« Changer en echangeant sans craindre de se perdre. » Edouard Glissant

Karamoko Madi KABA (dit Mamadi)

1940-1992

NÉ EN RÉPUBLIQUE DE GUINÉE – DÉCÉDÉ EN FRANCE

Mamadi Kaba grandit en Guinée où il fréquente l’école coloniale française et l’école coranique. En 1960, suite à l’indépendance, il s’exile en France. Issu d’une famille de riches commerçants, il décide de briser les liens familiaux, ce qui installera toute sa vie un profond dilemme existentiel et identitaire et une grande précarité financière. Arrivé à Toulouse, il se plonge en autodidacte dans l’étude de la figure du « Noir » dans l’art et la littérature, des mouvements marxistes et du théâtre. Ce dernier lui permettra d’exprimer toutes ses inspirations et le propulsera de la lecture à la création puis à la mise en scène. Avec son ami et collègue Michel Mathieu, il cheminera tout au long des années « révolutionnaires » dont mai 68. Ensemble, ils créent le Théâtre de l’Acte, théâtre expérimental et engagé et ils organisent des séjours à Avignon, et des festivals de théâtre, en invitant les plus grands théâtres alternatifs internationaux de l’époque : le Living Théâtre, les Bread and Puppet, Eugenio Barba…

Mamadi rejoint ensuite Paris où fonde le Kaloum Tam Tam, groupe de danseurs et musiciens africain. Il entretient des liens avec le Black Panthers en France, gravite dans les lieux de création, assiste aux séminaires de Jacques Lacan et infiltre les milieux psychanalytiques. Il revient ensuite à Toulouse. Avec René et Dany Cathala il travaille à la Cave-Poésie, puis prend en charge le Théâtre Universitaire. Il sensibilise ses étudiants notamment au travail de « l’acteur dépouillé ». Il ouvre ensuite le restaurant Djoliba rue des Paradoux, premier restaurant africain à Toulouse, mais aussi l’un de premier restaurant alternatifs de Toulouse, où comédiens, musiciens et artistes se retrouvent régulièrement.

Dans les années 70, avec sa compagne, il quitte la rue des Paradoux pour fonder le « Pharaon » premier café-théâtre de Toulouse. La programmation y est rapidement très riche, profitant de la notoriété de Mamadi, et impulsant de nombreux jeunes artistes.  L’aventure du Pharaon se termine abruptement et plonge Mamadi et sa famille dans une nouvelle misère financière. Le joug de l’expulsion plane de nouveau. Les projets artistiques sont avortés, pour faire face à des difficultés financières extrêmes, Mamadi enchaîne les stages d’apprentissage, les gestions de restaurants au bord de la fermeture, les tracas administratifs… Il est contraint de mettre de côté son art pour sa survie. En mars 1982, Mamadi acquiert la nationalité française grâce à son mariage avec sa compagne de longue date. Cette année-là, il ouvre le Griot, tiers-lieu culturel, qui devient vite un incontrounable à Toulouse. Les artistes s’y bousculent, mais pas que, le Griot devient aussi le lieu de rendez-vous des nageurs du TOEC, et de toute la France, de passage à Toulouse.

En parallèle du Griot, Mamadi participe à l’aventure de la création du Théâtre Garonne en y tenant, entre autres, le bar.  En juillet 1992, Mamadi est foudroyé par un AVC qui le plonge dans le coma, puis décède.

Malgré une vie hantée par l’exil et les ruptures multiples, cet homme a marqué les esprits par sa ténacité, son charisme, sa force, et sa capacité permanente à se relever.

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